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Les sanctions disciplinaires

Les sanctions disciplinaires

La sanction disciplinaire est une décision discrétionnaire d’ordre professionnel qui relève de la seule compétence de l’autorité territoriale. Il appartient à l’autorité territoriale d’apprécier la gravité de la faute commise par l’agent et de proposer la sanction appropriée.

Aucune condition légale n’impose à l’autorité territoriale le choix d’une sanction précise. L’autorité territoriale choisit librement, parmi les sanctions prévues par le statut général, celle qui lui paraît en rapport avec la gravité des faits reprochés.

L’autorité territoriale peut tenir compte, pour déterminer la gravité de la faute et le choix de la sanction :

– du niveau hiérarchique de l’agent (CE, 8 juillet 1991, n°97560)

– de la nature des fonctions (CAA Nancy, 14 juin 2007, n°06NC01090)

– du fait qu’il y ait ou non plainte et poursuite pénale (CE, 25 mai 1990, n°94461)

– de l’éventuelle décision du juge pénal sur les faits (CE, 29 mai 1987, n°82357)

– du comportement général de l’agent (CE, 25 juin 1982, n°325569)

– des précédentes sanctions infligées à l’agent (CE, 15 mai 2009, n°311151)

– du caractère répétitif des fautes (CE, 26 mars 1996, n°119908)

– des troubles causés dans le fonctionnement du service (CE, 26 mars 1996, n°119908)

– de la charge de travail de l’agent et du niveau d’encadrement dans le service (CAA Nantes, 21 février 2003, n°01NT00659)

– des conséquences de la sanction (CE, 30 novembre 2011, n°337617)

Ainsi, des faits similaires peuvent être sanctionnés ou non, ou sanctionnés selon des degrés variables de sévérité (CE, 30 juillet 1997, n°147383).

Il n’existe pas de barème de proportionnalité entre la faute constatée et la sanction prononcée. L’administration doit néanmoins mesurer la portée de sa décision qui doit rester appropriée et cohérente avec la gravité de la faute reprochée. Si la sanction choisie est entachée d’une « disproportion manifeste », le juge peut être amené à l’annuler.

L’administration peut également renoncer à prendre une sanction au regard du contexte et de l’ensemble du comportement de l’agent.

Cas du fonctionnaire mis à disposition : Le pouvoir disciplinaire est exercé par la collectivité d’origine, qui peut être saisie par l’organisme d’accueil (article 7 – décret n°2008-580 du 18 juin 2008).

Cas du fonctionnaire en détachement : La collectivité d’origine et la collectivité d’accueil disposent chacune du pouvoir de sanctionner l’agent pour une faute commise pendant son détachement. L’agent détaché est par conséquent soumis à un double régime disciplinaire.

Pour les sanctions du 1er groupe : soit la collectivité d’accueil inflige elle-même la sanction, soit elle demande à la collectivité d’origine de sanctionner l’agent au vu des rapports qu’elle aura établis.

Pour les sanctions des 2ème, 3ème et 4ème groupes : dans ce cas, c’est uniquement la collectivité d’origine qui dispose du pouvoir disciplinaire (CE du 29.01.1992, req. n°89337). Sur demande de la collectivité d’accueil, elle doit alors saisir le Conseil de discipline compétent.

En cas de faute grave commise dans l’emploi de détachement, le fonctionnaire peut, sans préavis, être remis à disposition de sa collectivité d’origine qui engagera une procédure disciplinaire.


Les sanctions du 1er groupe

Elles s’appliquent sans consultation du Conseil de discipline.

– L’avertissement : l’avertissement est la seule sanction qui ne doit pas être conservée au dossier individuel. Il est à privilégier pour des fautes peu graves :

  • légers retards ou absence injustifiée d’une journée (CAA de Marseille, 17.02.2004, req. n°99MA02231),
  • utilisation exagérée du téléphone à des fins personnelles (TA de Montreuil, 26.05.2011, req. n°1003115)…

– Le blâme : le blâme sera utilisé lorsque la faute est d’un degré plus élevé : refus de contrôle des heures de travail (CAA de Marseille, 15.06.2010, req. n°08MA01159), refus d’exécuter des ordres (CAA de Bordeaux, 22.02.2011, req. n°10BX02072), propos excessifs ou agressifs à l’égard d’un supérieur hiérarchique (TA de Toulon, 22.04.2010, req. n°0804824), lorsqu’il y a récidive d’une faute de même degré déjà sanctionnée par un avertissement….

– L’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de 3 jours : elle prive l’agent du traitement pendant la durée d’exclusion. Justifient une exclusion temporaire de fonctions d’une durée maximale de 3 jours : le refus de communiquer la liste des activités accessoires (CAA de Nancy, 02.12.2010, req. n°09NC01852), le refus répété d’un cuisinier de respecter des consignes d’hygiène (TA de Montreuil, 03.03.2011, req. n°1000561), une attitude agressive ou menaçante envers des élus, des collègues (CE du 11.07.2011, req. n°321225), ou un supérieur hiérarchique (TA de Nice, 02.07.2010, req. n°0901982), le manque de soins dans l’utilisation des matériels (CAA de Douai, 08.10.2009, req. n°08DA00575), l’enregistrement d’une conversation avec le supérieur hiérarchique à l’insu de celui-ci (CE du 22.06.2011, req. n°344536)…

Le blâme et l’exclusion temporaire de fonctions sont effacés automatiquement du dossier individuel de l’agent au bout de 3 ans si aucune autre sanction n’est intervenue pendant cette période (article 89 – loi n°84-53 du 26 janvier 1984).

Les sanctions du 2ème groupe

Consultation obligatoire du Conseil de discipline.

– L’abaissement d’échelon entraine une diminution de rémunération. L’agent est placé à un échelon inférieur et perd le traitement qui y était attaché. Aucune disposition législative ou règlementaire n’impose que l’abaissement soit limité à un seul échelon (CE du 13.01.1995, req. n°13344). Il peut avoir des conséquences indirectes sur l’avancement de grade lorsque le statut prévoit qu’il n’est accessible qu’à un agent ayant atteint un certain échelon. Cette sanction a été validée pour des faits d’erreurs et de nombreuses négligences doublés du refus d’exécuter un ordre du Maire (CAA de Bordeaux, 23.07.2002, req. n°00BX01109), ainsi qu’à propos d’un agent dissimulant une faute à ses supérieurs alors que celle-ci pouvait avoir des conséquences financières et médiatiques importantes pour la collectivité (CAA de Nantes, 22.11.2002, req. n°00NT00030). L’ancienneté acquise dans l’échelon avant l’abaissement est conservée dans l’échelon de sanction.

– L’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 4 à 15 jours prive l’agent de son traitement pendant la durée de l’exclusion. Justifie par exemple une telle sanction la résistance systématique aux ordres des supérieurs hiérarchiques (CAA de Nantes, 26.04.2002, req. n°98NT02191).

Les sanctions du 3ème groupe

Consultation obligatoire du Conseil de discipline.

– La rétrogradation : la rétrogradation a pour objet de placer le fonctionnaire dans un grade hiérarchiquement inférieur à celui qu’il détenait, sans pouvoir l’évincer de celui-ci (CE du 18.10.1995, req. n°120349).

Plusieurs facteurs contraignent l’utilisation de cette sanction :

– l’autorité territoriale ne peut prononcer cette sanction que lorsqu’elle dispose d’un emploi vacant dans le nouveau grade. A défaut d’emploi vacant, cette sanction ne peut être prononcée.

– la rétrogradation ne peut être prononcée si le cadre d’emplois ne comporte qu’un seul grade, tel par exemple, le cadre d’emplois des bibliothécaires territoriaux.

– la rétrogradation ne peut être prononcée si le fonctionnaire se trouve dans le premier grade de son cadre d’emplois, puisqu’il détient déjà le grade inférieur de son cadre d’emplois.

– la rétrogradation ne peut être prononcée que dans un grade permettant l’accès par voie d’avancement au grade détenu.

– la rétrogradation ne peut avoir pour effet l’éviction du cadre d’emplois auquel appartient le fonctionnaire sanctionné

Justifie par exemple une rétrogradation le fait pour un DGS de manquer à plusieurs reprises de respect à l’égard du Maire et d’un adjoint, et d’adopter envers les agents de la commune un comportement incompatible avec ses fonctions (CAA de Bordeaux, 21.02.2008, req. n°05BX00763).

– L’exclusion temporaire de fonctions de 16 jours à 2 ans : Il a été jugé qu’une exclusion de 2 ans n’est pas disproportionnée au regarde de la faute consistant à exercer en toute illégalité une activité de gérant de société (TA d’Orléans, 18.03.2010, req. n°0802875). La même sanction est aussi justifiée dans des cas de refus répétés d’obéissance hiérarchique, de négligences et retards dans les missions et de mauvais comportement général ayant fait l’objet de plusieurs avertissements écrits et oraux (CE du 28.11.2003, req. n°234898).

Une exclusion d’une durée d’un mois a été jugée légale pour un agent ayant exécuté des travaux de jardinage chez un particulier pendant son congé de maladie (CAA de Bordeaux, 29.12.2005, req. n°02BX00165).

Quelle que soit sa durée, l’exclusion temporaire de fonctions suspend, pour la période concernée, les droits à traitement, retraite, avancement et ancienneté. Ces sanctions n’étant pas constitutives d’une perte involontaire d’emploi, l’agent ne peut donc percevoir les allocations chômage (CE du 29.01.2003, req. n°227770). Cette sanction peut être assortie d’un sursis total ou partiel. Dans le cas de l’exclusion du 3ème groupe, le sursis ne peut avoir pour effet de ramener la durée de l’exclusion à moins de trois mois. Le sursis est révoqué si le fonctionnaire fait l’objet d’une sanction disciplinaire des groupes 2 ou 3 dans les 5 ans suivant la décision d’exclusion temporaire (article 89 – loi n°84-53 du 26 janvier 1984).

Les sanctions du 4ème groupe

Consultation obligatoire du Conseil de discipline.

– La mise à la retraite d’office ne peut être utilisée que si l’agent a acquis des droits à pension (CE du 09.02.1979, req. n°04476). Si l’âge d’admission à la retraite est atteint, la pension est à jouissance immédiate. Si tel n’est pas le cas, la pension est à jouissance différée. Cette sanction a été jugée régulière à propos d’un agent qui a commis pendant plus d’un an des actes de harcèlement sexuel sur deux collègues, et qui avait déjà fait l’objet d’un avertissement dans le passé pour des faits de même nature (CAA de Paris, 31.01.2006, req. n°02PA03349) ou encore d’un directeur d’une école de musique ayant fait obstruction de manière répétée à la nouvelle organisation du service, ayant par là manqué gravement aux devoirs de réserve, de discrétion professionnelle, et d’obéissance hiérarchique (CAA de Marseille, 15.01.2008, req. n°05MA02639).

– La révocation, sanction la plus grave, a été reconnue comme fondée pour des actes de brutalité envers des collègues (CE du 27.04.1994, req. 98595 : cas d’un sapeur-pompier professionnel ayant menacé un collègue avec un couteau), de maltraitance envers des usagers en situation de faiblesse (CE du 11.03.1992, req. 88306), pour des manquements graves au principe de probité (CE du 22.11.1995,req. n°154373 : agent affecté à la caisse de la recette des régies qui s’est rendu coupable de détournement de fonds publics et de faux en écriture ; CAA de Marseille, 14.10.2003, req. n°99MA00963 : un agent ayant commis des vols dans l’exercice de ses fonctions) ou pour des actes de harcèlement sexuel (CAA de Paris, 29.12.2004, req. n°00PA01882).


Sources :

 

discipline2_fevrier2014

Sanctions-disciplinaires